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Tentative d’extorsion par Bouygues

par Martine Bouchet

Mobilisation de soutien aux quatre militants d’Ostia jugés le mardi 12 mars au tribunal correctionnel de Bayonne.

Sommations, gardes à vue, tribunal, demandes de réparation exorbitantes, Bouygues ne recule devant rien pour tenter d’imposer son projet immobilier de Marienia.

Intimider les opposants est de toute évidence la stratégie utilisée par Bouygues Immobilier à Cambo, sur le projet de Marienia. La preuve la plus spectaculaire en a été donnée ce mardi 12 mars. Ce jour-là, le tribunal correctionnel de Bayonne juge quatre militants d’Ostia qui ont recouvert symboliquement avec de la terre une maquette du projet de Bouygues, afin de protester contre la bétonisation de plus de trois hectares des belles terres agricoles de Marienia.

La plainte de Bouygues leur avait valu d’être cueillis par les forces de l’ordre chez eux au petit matin pour être amenés en garde-à-vue au commissariat de Bayonne, puis de se retrouver en ce 12 mars au tribunal. Bouygues Immobilier est représenté par un avocat, arrivé le jour même de Paris, qui réclame la somme mirobolante de 24.000 euros de dommages et intérêts pour le nettoyage de la maquette de 1,5 mètre carré. La procureure réduit l’amende à 1.000 euros dont 500 avec sursis. Le juge rendra sa décision le 14 mai. La disproportion entre d’une part, les faits reprochés et d’autre part, la plainte, les conditions de garde-à-vue et les dommages demandés est telle, qu’il ne s’agit évidemment pas de demander une juste réparation, mais bien d’intimider pour tenter de museler une opposition forte et qui ne faiblit pas.

Les abords du tribunal étaient d’ailleurs envahis de militants venus soutenir les inculpés. Le ridicule ne tuant pas, à l’audience et devant la presse, l’avocat de Bouygues se permet ce conseil : si vous êtes contre le projet, il faut utiliser les procédures légales pour contester le permis de construire devant le tribunal administratif. Une sommation interpellative pour faire renoncer aux recours administratifs Le cynisme de ce conseil ne trompe pas grand monde. Car même dans ce domaine de procédures administratives, Bouygues utilise des méthodes peu glorieuses d’intimidation, beaucoup moins visibles qu’une plainte au pénal, mais potentiellement redoutables.

Voici en effet ce qui s’est passé. En 2021, le CADE (Collectif des Associations de Défense de l’Environnement) s’apprête à contester le permis de construire du promoteur auprès du tribunal administratif. Bouygues envoie alors de manière impromptue un huissier au domicile du président du CADE pour lui remettre une « sommation interpellative ». Ce courrier de Bouygues affirme que leur permis de construire « s’avère totalement conforme aux règles d’urbanisme ». Surtout, il profère cette menace : si jamais le CADE se risque à déposer un recours au tribunal administratif, Bouygues attaquera pour « recours abusif » et réclamera 240.000 euros correspondant aux frais qu’il aurait déjà engagés. Bouygues laisse au CADE 48 heures pour renoncer à porter l’affaire devant la juridiction administrative. Malgré l’ampleur de la somme annoncée, le CADE ne cède pas et dépose son recours au tribunal. Et c’est le CADE qui gagne : le juge administratif reconnaît le permis de construire de Bouygues illégal. Les trois immeubles dépassent en effet les dimensions permises par le PLU de Cambo. Le juge laisse cependant à Bouygues la possibilité de déposer un permis modificatif, cette affaire n’est donc pas terminée. Notons au passage que la maquette aspergée de terre représentait donc un permis illégal, qu’elle était trompeuse pour les futurs acquéreurs… et qu’elle pouvait donc aller directement à la poubelle.

Tentative d’extorsion par contrainte morale A l’annonce des garde-à-vues puis du procès des militants d’Ostia, le CADE a décidé de ne pas laisser impunément Bouygues utiliser son influence, son pouvoir et son argent pour tenter de faire taire des opposants. Faire renoncer sous la pression à utiliser un droit, en l’occurrence pour le CADE le droit d’agir devant le tribunal administratif, constitue une extorsion répréhensible pénalement. Le CADE a donc décidé de donner suite à la sommation interpellative en portant plainte contre Bouygues pour « tentative d’extorsion par contrainte morale ». Faire connaître les méthodes de Bouygues, les dénoncer et montrer le vrai visage de ce promoteur est essentiel pour que de telles pratiques n’aient plus cours. Les opposants leur font peur, car ils savent légitimes les revendications portées pour la préservation des terres agricoles. La solidarité des opposants est essentielle pour contrer les manoeuvres d’intimidation et de menace. C’est tous ensemble que l’on gagnera à Marienia.